samedi 12 janvier 2008

Je lève mon verre à Dan Bigras

Je ne suis pas un grand fan de l'émission "Il va y avoir du sport". Je ne passe pas beaucoup de temps devant le téléviseur de toutes façons. Mais je ne voulais pas manquer l'épisode d'hier soir à Télé-Québec car on y présentait un "débat" qui a suscité mon intérêt: "la gauche est-elle démodée?".

Dans le coin gauche, le professeur en économie à l'UQAM, Gabriel Sainte-Marie, me rappelait ces animateurs d’assemblées de cuisine des années 70. Des phrases chocs, des clichés, et il s'est fait "ramassé" lorsqu'il a parlé du problème des hypothèques aux États-Unis. M. Sainte-Marie est probablement plus doué à l'écriture qu'aux discours... Amir Khadir n'était pas à la hauteur, loin de sa performance à "Tout le monde en parle" l'an dernier. Les deux pugilistes de gauche n'ont pas été en mesure de bien affronter leurs adversaires, incapables d'adapter leurs répliques. Les arguments étaient faibles, manquaient de profondeur et rataient la cible la plupart du temps.

De leur côté, les représentants de la droite démontraient un certain calme. La stratégie de Michel Kelly-Gagnon du Conseil du Patronat a bien fonctionné, signe d'un homme d'affaires qui a l'expérience des débats et des discours. Il s'est montré ouvert au courant de gauche en suggérant que ce mouvement se modernise et s'adapte aux réalités du marché. Signe des temps, il a utilisé les pays scandinaves comme exemple et a essayé de déstabiliser ses adversaires. Je crois que ça a fonctionné. De son côté, Martin Masse était également bien préparé et il n'avait aucun problème à défendre les idéaux de la droite économique et même de la droite politique, ce qui est assez rare ici au Québec.

Michel Kelly-Gagnon a soulevé un point intéressant: la gauche devrait peut-être songer à modifier son approche. Sans être obligés de diluer leur discours, les représentants de la gauche devraient sans doute se questionner sur la portée de leur message et de sa perception. Raffiner les arguments, les ramener un peu plus près des préoccupations des citoyens sans tomber dans le populisme et la démagogie... c'est possible. Certaines personnalités publiques adhérant aux idées progressistes en sont capables. Amir Khadir et Gabriel Sainte-Marie n'y sont pas parvenu hier soir.

Par exemple, la gauche aurait pu leur rappeler que c'est le privé qui est parfois "interventionniste". Depuis les années trente, des services publics ont été repris par les gouvernements parce qu'ils étaient presqu'inexistants ou défaillants... Entres autres, maintenant que les services de santé sont universels et gratuits, que les hôpitaux et structures sont bien en place, c'est le privé qui veut s'en accaparer. Les tenants de la gauche ne veulent pas nationaliser tout ce qui est lucratif, c'est plutôt le contraire. C'est ce genre d'argument qui aurait pu être lancé hier soir...

Comme Dan Bigras avait le dernier mot, sans droit de réplique de la part des invités, c'est lui qui a sauvé les meubles! Avec son style habituel, il a parlé avec ses trippes. Il a su défendre, en quelques phrases bien ficelées, les préoccupations de la gauche et a présenté quelques solides arguments. Ce que Khadir et Sainte-Marie n'ont pas été capables de faire.

15 commentaires:

Le Gentil Astineux a dit…

Malheureusement, un téléphone entrant important m'a empêché de voir la section droite-gauche de l'émission.
Mais, j'ai entendu Dan Bigras dire pourquoi lui ne pouvait se mettre dans la peau de quelqu'un de la droite, même s'il est lui-même un homme d'affaires.

Quant à moi, de déteste ce petit clivage gauche-droite et tous ceux qui en font la promotion.

lutopium a dit…

Sans être nécessairement un clivage, il y a tout de même des différences d'opinions majeures entre des les gens qui priorisent la croissance économique et les libertés individuelles et ceux qui préconisent une économie équilibrée et une meilleure répartition de la richesse.

Les joueurs de l'équipe à gauche de Mme Bazzo ont peut-être donné l'impression que ce clivage existe. Il leur faut donc adapter le discours pour bien paraître devant "l'adversaire"...

Renart Léveillé a dit…

J'ai vu ce débat d'une toute autre manière.

Il aurait fallu faire un débat entre quatre positions : gauche-anarchiste, gauche-étatiste, droite-anarchiste et droite-étatiste.

Il n'y aurait pas eu de perte de temps avec les accusations stupides de Martin Masse (le bout où il compare Amir Kadhir à George W. Bush était assez suréaliste...).

Je poursuivrai plus longuement sur mon blogue (ou UHEC), j'avais ce projet pour aujourd'hui.

lutopium a dit…

Un copain m'a appelé tout à l'heure et il n'avait pas de critiques aussi sévères envers Khadir et Sainte-Marie... J'imagine que mes attentes étaient trop élevées! Il soulignait par contre que la formule de cette émission ne se prête pas à des débats de fond.

Bien hâte de lire ton opinion lèa-dessus Renart...

Jimmy St-Gelais a dit…

Je n'ai vu que l'analyse de Dan Bigras. J'ai manqué le début.

J'ai bien aimé son commentaire. Realiste et progressiste comme vision. Je commence à aimer ce gars. Il ferait un bon candidat pour QS ou le PVQ.

Anonyme a dit…

Moi, qui habituellement, trouve le discours de Khadir assez bien structuré, hier il ne m’a tout simplement pas convaincu et c’est aussi vrai pour Sainte-Marie qui ferait mieux de continuer de rédiger ses articles pour l’aut’journal. « On veut le lire, pas l’entendre »

De l’autre côté, « la partie patronal », ne m’a pas impressionné non plus ; nos dignes représentants de l’establishment québécois ont adoptés le calme et l’arrogance habituel de ceux qui tirent les ficelles du pouvoir économique ! Je vous épargnerai la lecture de tout ce qu'ils m’inspirent.

Le grand gagnant, s’il en est un, car je suis certain qu’il n’aimerait pas ce qualificatif, est nul autre que cet homme d’affaire, humaniste, généreux, toujours prêt à aider les plus démunis, Dan Bigras ! Il a tout dis, rapidement en quelques mots, tout ce qui auraient dû être dis par nos gens de la gauche !
Je ne minimise pas les propos d’Amir Khadir, mais je l’ai déjà vu plus « expressif ».

Collectif anarchiste La Nuit (UCL-Québec) a dit…

J'ai été plutôt déçu du débat. Il y avait un énorme décalage entre les deux côtés. À droite on est allé chercher ce qu'il y a de plus radical: des libertariens. Tandis qu'à gauche, on est allé chercher des réformistes bon teint. Résultat, les opposants ne vivaient pas sur la même planète. Nos gauchistes étaient complètement désarmés face à des idéologues de droite ultra-radicaux. Un exemple parmi d'autres: qu'est-ce qu'un réformiste peut répondre à un Massé qui revendique l'abolition pure et simple de toutes les subventions aux entreprises? Pour qu'il y ait débat, il aurai fallu opposer des adéquistes aux solidaires, ou des libertaires aux libertariens. C'est Baillargeon qu'il aurait fallu opposer à Massé, pas Khadir. Pour qu'au moins ça soit à arme égale!

Face à des libertariens comme Massé, ça prend des libertaires. Son anti-étatisme désarme complètement les réformistes. Pour débattre efficacement, il aurait fallu le coincer au niveau des principes. Par exemple en prouvant que le capital est aussi autoritaire que l'État; que les entreprises multinationales sont des tyrannies privées qui n'ont rien à envier aux dictatures en matière d'autoritarisme comme le dit Chomsky. Ou en ramenant sur le tapis que l'égalité est l'envers de la pièce de la liberté. Que ça va ensemble.

Moi je veux bien abolir l'État. Je suis anti-autoritaire. Mais je m'oppose à toutes les formes d'autorité illégitime. Et le capital en est une. Les libertariens parlent du marché et du capitalisme comme si on en était encore au stade de braves entrepreneurs individuels. C'est faux. Nous sommes à l'étape des personnes morales et des grandes entreprises. M'enfin. Si on abolit l'État, alors il faut abolir le capitalisme aussi. Sinon, ben c'est la tyrannie assurée.

Dans l'immédiat, j'aime bien une allégorie de Chomsky (reprise aux mouvements brésiliens je crois). L'État est une cage. Il faut le raconnaître. Nous pouvons vouloir briser la cage pour être libre. C'est légitime. Le problème c'est que dehors, il y a des fauves (le capital). Dans l'état actuel des choses, si on détruit la cage, c'est pas compliqué, les fauves vont nous bouffer tout cru. Alors voilà, tant que nous ne serons pas assez fort ou armé pour affronter les fauves avec une chance de gagner, mieux vaut agrandir la cage que de penser abattre les murs...

- Phébus

Renart Léveillé a dit…

Salut!

J'ai pondu mon analyse du débat, c'est !

Jimmy St-Gelais a dit…

J'ai vu le débat en entier et je ne suis pas d'accord avec toi Lutopium.

La gauche peut se renouveler sans virer à droite. Ce serait trahir ses origines.

Voici mon billet sur le sujet:

http://pourquedemainsoit.blogspot.com/2008/01/dbat-gauche-vs-droite-il-va-y-avoir-du.html

lutopium a dit…

@jimmy, qui parle de virer à droite ici? Certainement pas moi. Je parle d'un ajustement de discours. Mais j'ai les idéaux et objectifs de la gauche dans la peau! J'ai bien aimé ton analyse et je vais y laisser un commentaire. Salut!

Anonyme a dit…

Personnellement je ne vois aucune différence entre George W.Bush et Amir Khadir sur la forme. Bush est un interventionniste de droite et Khadir un interventionniste de Gauche. J'ai trouvé particulierement amusant de voir Khadir fait le procès de la droite
réactionnaire à propos de l'écoute électronique alors que lui même souhaite un État plus gros
et plus paternaliste pour l'ensemble des citoyens. Bref, je me dissocie complètement des idées
de Khadir qui ne représente pas à mes yeux la véritable gauche.

Je suis fatigué d'entendre toujours les mêmes versets grotesques : Le privée est le diable, l'État le Bon Dieu, l'homme d'affaires un émule de Satan et les syndicats les représentant de la providence. Va falloir mettre un terme a ce genre d'inepties. Il n'y a rien de blanc, ni rien de noir dans notre monde.

QS n'aura jamais mon vote pour la simple et bonne raison que ce parti est anti-entreprise et ne semble pas comprendre que sans culture entrepreneuriale dynamique il n'y aura pas de programmes sociaux pour la population. L'argent ne pousse pas dans les arbres.

Plus scandaleux encore est de voir Khadir faire la gorge chaude devant la social-démocratie renouvelée des pays scandinaves alors que son Parti a l'intérieur même du manifeste pour un Québec solidaire, avait justement citer à outrance les succès de la Suède, de la Norvege et de la Finlande. La vérité est simple : ce sont des réformes qui susciteraient aussitôt une grosse crise d'urticaire au Québec. Donc nous en sommes très loin.

Tant que le Quebec ne va pas abandonner son clivage gauche droit, rien ne sera possible. En ce moment nous sommes prisonniers entre deux extrêmes qui ne souhaitent faire aucun compris.

Jimmy St-Gelais a dit…

@Lutopium

Je ne parlais pas nécessairement de ton texte. Tu sembles tout de même pencher un peu vers le camp de droite dans ta critique du débat.

La droite veut nous faire avaler que le seul moyen de réinventer la gauche est d'y ajouter des idées de la droite.

Les mêmes arguments ont sorti durant le débat.

Je ne suis pas d'extrême-gauche, mais de telles suggestions me font sursauter!

lutopium a dit…

J'ai analysé le débat selon la formule de l'émission, soit celle d'un évènement sportif. J'essayais de dire que les représentants de la droite avaient gagné le match, pas de K.O., mais une petite victoire aux points. Manque de préparation de la part des joueurs.

Anonyme a dit…

La gauche a du mal à se définir parce qu'elle est plus exigeante envers la société et envers elle-même. Parce que la gauche ne recherche pas seulement les conditions de l'épanouissement personnel et du bien-être individuel mais le bien pour tous, elle se trouve confrontée à des difficultés d'expression de son projet, difficultés dont la droite n'a que faire étant donné la simplicité extrême de son idéal d'enrichissement individualisé. Ainsi, dans un débat avec la droite, les représentants de la gauche ne peuvent calquer leurs interventions sur "ceux d'en face" qui cherchent uniquement à faire valoir leur définition de la liberté d'entreprendre(d'exploiter autrui) et discréditer l'autre liberté (la liberté d'être bien nourri, bien logé, d'étudier, d'être en santé).Tant qu'il y aura un humain qui ne pourra être le plus en sécurité matérielle possible dans le plus de liberté possible, la gauche ne sera pas démodée. Mais cela n'est pas facile à exprimer dans toute sa complexité. Continuons à n'être pas simplistes et à croire en l'intelligence: C'est plus difficile de "passer la rampe" mais nécessaire à qui veut faire de la politique autrement.

Manx a dit…

J'ai de la misère avec le clivage gauche/droite. Je le trouve parfois dangereux, même si je m'affiche à gauche. Les droitistes d'Australie ont réussi à instaurer un système d'assurance-médicament fonctionnel, alors que les démocrates américains sont plus à droite que l'association démocratique du Québec (hehehe, je sais qu'il y a une faute ^^).

Je n'ai pas vu le débat, malheureusement, mais à ce que j'entends, les personnes choisies ont une vision si différente du monde que de réduire le tout à un débat de 20 minutes est impossible.

Lutopium, je tiens à te démontrer malheureusement que le type qui a publié le vidéo que tu montres voulait rire des idées de Dan Bigras. Moi, je les trouve intéressantes, mais je trouve toujours ridicule de voir le genre de commentaires qui a été laissé. Allez voir le lien sur Dailymotion, on assiste vraiment à un défilé d'Elvis Grattons.